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lundi 16 novembre 2009

Le jour où le mur est tombé

Le jour où le mur est tombé, j’étais journaliste à Libé. Ma vie avait basculé quelques mois auparavant et j'allais partir pour l'Allemagne en janvier.
Le jour où le mur est tombé, en effet, j'allais rendre visite à ma mère à l’hôpital HG. Le journal était en grève, l'occasion de donner la priorité à la vie de famille. Ma mère, le centre de notre vie familiale, le pilier de notre famille multiculturelle qui avait su jeter un pont d'amour et de respect entre l’Europe et l’Afrique. Ma mère s'était écroulée par un matin de mai comme les autres. Terrassée par un AVC, elle ne s'était pas rendue à son travail. Poussée par un quelconque pressentiment, j'avais essayé d'appeler. Lasse d'entendre sonner dans le vide, j'avais composé le numéro de son collège... le collège avait envoyé les pompiers… on a retrouvé ma mère couchée, hémiplégique. L'Accident Vasculaire Cérébral avait eu raison de sa jeunesse et de son énergie. Voilà donc pourquoi j'étais simplement en province, loin des préoccupations du journal...
Le jour où le mur est tombé, certes, on sentait que l’Est allait bouger… mais quand. Helmut Kohl n’était même pas en Allemagne. Pourtant… certains diplomates avaient senti que le monde allait changer. Mes collègues, correspondants du journal à Berlin suivaient les événements désespérément. Ils étaient le témoin de l'événement majeur depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, et ils savaient que leur journal était en grève! Libé serait donc le seul journal français à ne pas couvrir l’événement !!! Pas de une sur le Mur de Berlin !!!
Le jour où le mur est tombé, dans la chambre de l’hôpital, la télé de la voisine est allumée et diffuse les images incroyables de la foule berlinoise. L’émotion nous serre la gorge et nous gardons les yeux rivés sur le poste de télévision. Nous parlons peu, mais l'émotion de maman est vive. Je suis touchée de la voir vibrer à l'unisson de ce monde qui se sent berlinois alors qu'elle n'a pas encore retrouvé l'usage de son côté gauche et que pour tous les gestes de sa vie, elle dépend de quelqu'un. A ce moment là, je ne pense plus à la grève et aux conséquences qu’elle aura sur la parution du journal. Je regrette de ne pas être à Berlin, déjà, pour partager ce moment unique.
Le jour où le mur est tombé j’ai pensé que décidément, 1989 était une grande année. Déjà, le bicentenaire de la révolution française avait donné place à des commémorations exceptionnelles. Puis, on avait parlé de laïcité à l’école avec la première affaire du voile coranique, l'occasion de reparler de liberté. Maintenant, le mur... une liberté d’une toute autre importance !
Le jour où le mur est tombé, Rostropovitch a rendu grâce par un concert inoubliable. Violoncelle. L'instrument le plus proche de la voix humaine pour vibrer au son de l'émotion de la capitale du monde pour un soir et les journalistes de libération s’arrachaient les cheveux, partagés entre la joie d'être là et nulle part ailleurs, et la déception de ne pas pouvoir exercer leurs métiers.
Le jour où le mur est tombé, j’ai découvert que rien n’était immuable et que tout était possible. J’ai redécouvert l’espoir. J’ai appris qu’il faudrait désormais penser le monde autrement. L'Allemagne reconstruite, l'Europe aurait aussi un autre visage. Je n'ai pas pensé que l'Allemagne retrouvée allait entraîner l'éclatement de nombreux pays autour…
FAA

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