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lundi 26 mars 2012

Urotopia

Chère amie, me voilà de retour de ce long voyage. Je t’avais dit que cette croisière surprise me paraissait assez mystérieuse. L’intitulé en était «croisière vers l’inconnu et découverte de la nature». Comment te décrire ce que je viens de vivre? 
Nous sommes partis du Havre sur un bateau très grand pour un voyage de plusieurs jours vers un but que nous ignorions, et cela aiguisait l’intérêt de tous les passagers. Chaque matin, certains plus curieux que d’autres demandaient au Capitaine quelle était notre destination. Celui-ci répondait invariablement «nous arriverons dans 7 jours… puis 6 jours…» 

Nous n’avions pas vu une seule terre à l’horizon pendant ces 7 jours, et ce matin-là le bateau s’engagea dans un détroit. Sur le pont il faisait froid. Nous voguions entre deux rives couvertes de montagnes enneigées. D’énormes cristaux de quartz étincelaient sous le soleil froid et envoyaient un rayonnement bleuté dans l’air. 
Le fjord s’élargît et nous aperçûmes au fond d’une crique des masses géométriques brillantes. «Où sommes-nous?» C’était le leitmotiv de tous les voyageurs. Moi-même je regardais ces constructions posées au pied des montagnes. Vu du bateau, tout avait l’air calme, silencieux. On ne voyait pas de circulation, on n’entendait pas de bruit… 
Le capitaine avait affiché un message: «les passagers sont invités à se rendre près des canots pour embarquer vers la ville nouvelle d’Urotopia, les bagages seront pris dans les cabines». Nous allons être les cobayes d’une expérience urbaine. Le bateau restera à l’ancre dans la rade jusqu’à la fin de l’essai. 
J’ai été une des premières à débarquer sur le quai. Autour de moi des édifices de verre et d’acier, avec des incrustations de minéraux brillaient sous un soleil froid. Pas d’arbres, pas d’herbe, pas de fleurs, et même pas de terre! Mais des fleurs en cristaux d’améthyste, d’azurite, de quartz, d’émeraude, jaillissaient de colonnes en marbre tout le long d’une voie. Le ruban d’acier inoxydable qui servait de trottoir se mit en action et nous déposa devant la très belle entrée d’un immeuble. En fait les autres bâtiments que l’on voyait tout autour étaient vides. 
Dès l’arrivée des passagers, l’hôtel s’anima. J’étais anxieuse de voir comment allait être la chambre. Là tout était parfait, confortable et traditionnel. Je m’installai sur un fauteuil devant la baie vitrée, avec le panorama des montagnes, la rade où mouillait le bateau.. Je remarquai alors d’étranges formes en relief ou en creux au pied des montagnes, comme des portes qu’on aurait voulu dissimuler. J’ai alors observé avec plus d’attention le paysage qui m’entourait: en fait on aurait pu se croire sur une autre planète. 

Je ne pouvais pas me contenter des vagues explications données par le capitaine; quant au personnel, la plupart des stewards ne parlaient pas notre langue. 
Quand j’ai réussi à me trouver placée près du Capitaine pour le dîner, je lui posai la question cruciale: «où sommes-nous?» Il regarda en souriant et me répondit «Etats-Unis d’Amérique», puis il ajouta «rassurez-vous, vous allez avoir quelques explications sur ce séjour dans quelques jours». 
Mes voisins de chambre, un couple de Marseille, montraient un désappointement qui virait presque à la mauvaise humeur. 
Un repos fut le bienvenu dans ces belles chambres sans télévision ni internet. 
Au petit déjeuner, un programme nous fut remis : visite de grottes… évidemment, cela correspondait bien à une activité possible dans un tel lieu Des véhicules à chenille embarquèrent les visiteurs vers la paroi de la montagne , utilisant toujours les surfaces en ruban d’acier. Je joins les photos prises dans les grottes (le parcours a quand même duré 3 heures!) 
Le lendemain, un avis du Capitaine nous fut remis au petit-déjeuner: 

Chers voyageurs amateurs d’imprévu, 
Vous êtes actuellement sur le site d’un village Inuit, sur la côte sud-est de l’Alaska. Ce village (Inatuk) a été entièrement détruit pendant le tremblement de terre de 1964. Cette zone terrestre est d’ailleurs la plus soumise aux activités sismiques de la planète. 
En même temps, depuis cette époque, des chercheurs scientifiques ont commencé à vouloir reproduire sur terre, ce que serait la vie sur une autre planète, étant donné que nous abordions la période des voyages dans l’espace. D’autres expériences de ce genre existent ailleurs, dans le désert. Les scientifiques ont pensé que l’on pouvait proposer à des gens curieux et volontaires, de participer à ce programme, avec toutefois un confort comparable à celui d’un voyage organisé normal . Nous sommes donc le premier groupe à tester ce séjour qui sera axé sur la visite des sites scientifiques de recherche, des sites naturels comme la grotte. Nous irons aussi sous la mer, dans un sous-marin. Votre participation à ce programme se fera avec votre accord, mais il faut en accepter les inconvénients. Vous recevrez d’ailleurs votre Diplôme d’ Aventurier de la Planète au terme de notre séjour. 

Je ne vous dis pas l’étonnement produit sur tous les participants, mais la bonne humeur reprit le dessus (même les Marseillais avaient le sourire) car tous avaient compris que ce qu’ils vivaient là, ils seraient les seuls à l’avoir vécu et partagé. 
Je suis donc rentrée, maintenant depuis quelques jours et tout me parait bien morose…

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