Attention, droits réservés

Creative Commons License
Les textes des Ateliers Ecritures Colombines mis à disposition sur ce blog par Nadine Fontaine sont régis par les termes de la licence Creative Commons. Leur citation n'est permise qu'assortie du lien indiquant leur origine et ne peut donner lieu à usage commercial sans accord avec les auteurs.

jeudi 14 juillet 2011

Tu vas rester un peu avec nous

Ce matin, le soleil brille. Je sens la sueur couler sur ma peau. Maman s’approche de moi et elle dit: «Yéyé, il n’y a plus rien à manger, je t’emmène chez les sœurs». 
Elle roule mes vêtements dans un pagne vert et marron: un pagne, deux t-shirts, deux culottes. Elle glisse un petit bracelet de perles dans le baluchon et me prend par la main. 
Nous marchons sur la terre rouge. Maman ne me porte pas dans le dos. Parfois, je pleure, lorsqu’un caillou pointu rentre dans ma peau. 

Nous marchons jusqu’à ce que le soleil soit très haut dans le ciel. Maman serre ma main très fort dans la sienne. Elle me tire. Je fais trois pas chaque fois qu’elle en fait un. 
Le vent souffle et la poussière rentre dans ma gorge. J’ai soif. J’ai faim. J’ai envie d’arrêter de marcher pour dormir.
Nous arrivons devant la grande maison. Maman s’arrête un instant et me regarde. 
Elle me prend dans ses bras. Elle me regarde. Elle me dit «Yéyé, n’oublie jamais que je t’aime, attends ici». 
Maman entre dans la cour. Elle entre dans un bureau. Une dame avec un foulard gris sur la tête sort et me regarde. Une croix en bois pend sur sa poitrine. C’est une religieuse, une soeur. Maman pleure. Maman crie. La soeur lui caresse le dos. La soeur parle. Elle dit des mots que je ne comprends pas. Maman revient vers moi et me prend la main. Maman dit «merci». La soeur dit «ne vous inquiétez pas». Une larme coule sur sa joue. Une larme coule sur la joue de maman. Des larmes coulent sur mes joues. 
Maman se penche vers moi. Elle m’embrasse. Elle serre ma main et la donne à la soeur. Elle lui donne le baluchon. 
Maman se retourne. Elle ne me parle pas. Elle s’éloigne. Elle marche, le dos courbé. 
Je la vois qui s’éloigne. J’ai faim. J’ai soif. Je pleure. Je ne bouge plus. 
La soeur me prend dans ses bras. Elle me donne à boire. Elle me parle. Elle me raconte ma journée. Elle m’appelle Yéyé. Elle me lave et me donne des vêtements propres. Elle me donne à manger. Je mange du riz au gras.
Je la vois regarder dans le pagne. Elle colle un papier sur le pagne, le referme et le met dans un placard sans enlever un seul objet. 
Elle me laisse finir de manger lentement. Elle me regarde. Elle me dit qu’il y a d’autres enfants ici. Elle me dit que je serai bien. Je me lève. Elle me prend par la main. 
Nous arrivons dans une grande salle. Dix enfants sont assis. Ils jouent. Une femme est assise avec eux.
La soeur dit : «Voici Yéyé». Les enfants me regardent et disent «Bonjour Yéyé».  
La femme se lève, elle me prend par la main. Elle se rassoit et m’assoit à côté d’elle. Puis, elle montre un enfant qui dit «Je suis Gatien». Chaque enfant annonce son prénom. La femme termine en disant «Je suis Rosalie et tu vas rester un peu avec nous».

FAA

1 commentaire:

  1. oui j'ai aimé ce texte. il me projette "du côté des enfants" de manière brutale et si parlante... Merci à son auteure et à son "accoucheuse" de mots. Maya

    RépondreSupprimer

Vous avez aimé ce texte ?
Dites-le !