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mardi 30 juin 2009

Désert - Les scribouillardises de Valérie

I
BOLIVIE – JUIN 2005
4h30. La nuit fut glaciale. Dehors, je devine le Salar qui s’étend à perte de vue.
Je reste assise, là, contemplative.
Le soleil se lève, l’horizon se dessine.
Tiens, une vizcacha pointe le bout de son nez!
Je reviendrai ce soir
09h30
- Devine ce que c’est ?
- De la neige.
- Pose ta main sur le sol, est-ce froid?
L’enfant ramasse une poignée, la malaxe et s’interroge.
Des cailloux comme ceux du petit Poucet?
Il porte la main à sa bouche
Beurk, c’est salé!

II
Je l’avais lu dans «Désert» de Le Clézio : «Il n’y a pas de plus grande émotion que de marcher dans le désert.»
Ce roman m’avait fait vibrer et cette phrase d’une simplicité absolue, décidée à entreprendre cette longue marche à la recherche de je ne sais quoi! D’émotions sans aucun doute.
Nous marchions depuis trois jours déjà et n’étions qu’à l’orée du désert.
Plantée au milieu de nulle part, une pancarte décolorée indiquait «TOMBOUCTOU, 52 jours»
Youssouf, notre chamelier guide veillait, sourcil froncé, sur sa caravane: trois dromadaires et deux Majnoun* occidentaux (Ainsi Youssouf nous avait il surnommés).
Les dromadaires supportaient un chargement peu banal, bidons d’eau et de miel, sacs de grain, oripeaux, tapis multicolores, vaisselle cabossée et noircie…
Celui dont j’avais la responsabilité était borgne de l’œil gauche et les dents de devant lui manquaient. Il passait son temps à baraquer.
Mon acolyte voyageur et moi même avions entrepris de rejoindre Tombouctou à pied depuis un petit village du Burkina Faso. Nous aimions nous prendre pour des aventuriers d’un autre temps…
Je ne me lassais pas d’observer Youssouf.
Son chèche, d’un vert tendre, illuminait sa peau noire épaisse. Il déambulait avec grâce dans un environnement que je jugeais esthétique mais totalement hostile: ciel bleu azur, sable ocre brûlant, soleil aveuglant, roches aux formes humaines, touffes de chardons piquants çà et là…eau rare voire inexistante.
A suivre.

III
Un 5 juin 2009
Impossible de me recentrer, d’intégrer les consignes d’écriture tant je suis bouleversée, anéantie.
Planter le décor, c’est comme si l’on me demandait d’écrire le désert en m’inspirant d’une carte postale et en piochant un prénom au hasard comme pour donner vie à mon récit.
Ceci donnerait à peu près cela : «ciel très bleu, sable ocre brûlant, soleil aveuglant, roches aux formes humaines, touffes de chardons piquants çà et là».
Tiens je ne les avais pas remarqués ces deux personnages-là, figés, au premier plan à droite sur la photo.
Je me prends à imaginer qu’il s’agit de Wolker accompagné d’un guide touareg.
Mais que ferait mon Wolker dans le désert Lybien?
Et pourquoi pas d’ailleurs?
La cinquantaine naissante, Wolker était un homme sensible, solitaire, doté d’un sens de l’humour baroque.
Ses cheveux argentés, ses joues mal rasées et son visage buriné par les abus en tout genre lui donnaient l’allure d’un marin breton.
Il aimait d’ailleurs se ressourcer dans son village breton au bord de sa mer, comme il disait.
Wolker voyageait peu mais intensément. Certains soirs autour d’un verre de whisky, nous évoquions nos voyages passés et rêvions à nos projets de vie, jamais communs…
Wolker vivait l’instant présent et ne se souciait guère du lendemain.
J’avais rencontré Wolker deux ans auparavant lors d’un séminaire de travail. Au premier regard, nous nous étions adoptés.
Devenus d’inséparables amis puis au fil du temps d’incorrigibles amants, nous entretenions une correspondance virtuelle assidue. J’étais son courant d’air, il était ma bouffée d’oxygène…
Je m’extirpe un instant de ma douce torpeur et saisi la carte postale.
Wolker et son guide reprennent leur route. Le calme est enfin revenu. Ils n’ont plus à lutter contre le vent d’Est qui balaie le sable au ras du sol et cingle leur visage recouvert d’un chèche grisâtre.
Je l’entends déjà me décrivant cette tempête d’un air serein et détaché, ce désert d’une platitude déconcertante avec justesse et poésie.
Quel imaginaire!
Les derniers mots de Wolker troublent alors mon esprit :
«Je quitte Rio de Janeiro ce soir par le vol AF 447*
Je t’embrasse sans lendemain.»
Wolker n’était plus, disparu, comme un mirage en plein désert.
* le Vol AF 447 s’est écrasé en mer au dessus de l’Atlantique le 01 juin 2009

IV
Avant le commencement était le Rêve
Rêver la vie dans un souterrain
Dans l’’Eau, in UTERO.
Le sang circule dans tes veines
L’encre dans nos cervelles
Rêver l’enfant en lettres, en mots
Silencieux
Vide auditif et visuel
TOSHIBA ECCOCEE SSA 340 A
Visualisation par caméra
Au début des débuts, ton image nous est imposée
Détermination du terme
Utérus en position, sac gestationnel visible
Embryon présent. Aspect normal
Mots ô combien sonores!
Image glacée sur papier noir et blanc
Encre noire sur papier blanc
L’encre circule dans la matière, le sang dans tes veines
Rêver l’enfant en termes
Rêver la vie
Tout s’immensifie, s’intensifie
Morpho biométrie dans les normes du terme
Annonce du vide pour une Plénitude
Et TROU NOIR
Silence les termes!
Le sang ne circule plus dans ses veines
Et nous, nous Parents
Ces termes qui forment l’ABSENCE nous emmènent
Vers d’autres chemins, d’autres rêves, en nomades
Paysage en images, poétique.


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