Attention, droits réservés

Creative Commons License
Les textes des Ateliers Ecritures Colombines mis à disposition sur ce blog par Nadine Fontaine sont régis par les termes de la licence Creative Commons. Leur citation n'est permise qu'assortie du lien indiquant leur origine et ne peut donner lieu à usage commercial sans accord avec les auteurs.

samedi 13 décembre 2008

Les voisins

Ils insistaient à chaque fois que nous les rencontrions pour qu’on vienne prendre chez eux un thé ou un café, un dimanche après le déjeuner. «Nous sommes voisins, cela fait des mois qu’on se croise et avec nos vies de dingues, nous n’arrivons même pas à trouver un moment pour faire un peu plus connaissance. Venez, cela nous ferez vraiment plaisir, et puis, vous êtes des «petits nouveaux dans le quartier» on vous donnera nos bonnes adresses».

Nous avions toujours trouvé des bonnes raisons pour ne pas donner suite à cette invitation, curieusement, car nous avions le même âge et sans doute quelques points en commun. Ils étaient plutôt sympathiques, elle volubile, lui plus réservé, et nous parlions avec plaisir deux ou trois minutes de nos tracas avec la gardienne, ou de notre énervement lorsque une fois de plus la ville faisait des travaux dispendieux dans notre rue, qui présageait l’augmentation de nos taxes d’habitation.

Ce dimanche là, nous les avons croisés à la sortie de notre parking commun, il faisait gris, le ciel était si bas qu’on ne distinguait plus l’horizon, et la lumière semblait avoir été absorbée définitivement par une couche épaisse de nuages menaçants. Nous revenions d’une expédition matinale et enthousiaste chez IKEA pour choisir enfin une chambre d’enfant. Nous allions la semaine suivante rencontrer notre fils.

Alors dans l’euphorie du moment, nous leurs avons dit «oui, avec plaisir nous viendrons vers 15h, vous habitez bien au 18 de la rue, c’est cela, on apportera le dessert. Si, si on insiste.»

A l’instant où nous avons prononcé ces mots, nous l’avons regretté, consternés, nous avions encore tant de chose à faire, et nous voici embarqués dans ce thé dominical.

Ils avaient allumé un feu dans la cheminée au dessus de laquelle étaient posée une multitude de cadres photos qui décrivaient l’histoire de leur famille. Mariage, baptême du petit, premier noël, famille attendrie autour du berceau... Nous réalisions tout d’un coup que les grands ados aux épaules voûtés qui marmonnaient un bonjour lorsque nous les croisions, étaient ces adorables chérubins dont nos voisins semblaient si fiers.

Mis en confiance par ce décor familial et chaleureux, nous leurs avons annoncé notre joie intense de devenir parents et notre inquiétude aussi face à ce bouleversement.

Il n’a rien dit et a rajouté une bûche dans l’âtre. Et elle s’est exclamée, embarrassée, «Moi je n’aurais pas adopté car c’est mieux d’avoir ses propres enfants. Le lien est plus vrai.»



Partager

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous avez aimé ce texte ?
Dites-le !