Fragments autobiographiques

Fragment 1

C’est le temps de “l’update” du mois d’août 2006: les nouvelles mensuelles de ma fille “toulabas”, envoyées par la crèche avec photos à l’appui.

Au bureau: 6 ou 7 collègues, plus les ordinateurs, alignés dans un “OpenSpace” de 20 m2. Mon patron lui, voisine, sa porte toujours ouverte pour profiter de nos conversations ou se sentir moins seul.

Je m’entête à entourer mon ordinateur des photos de ma fille telles des “trophées” de maman qui se découvre et s’affiche.

J’ai choisi celle-ci, si touchante, prise lors de l’anniversaire de ses 2 ans:

un oisillon perdu ou étonné, un peu triste, regard droit devant, dans le vague, bouche entrouverte, langue irrésistiblement visible. Et sur sa robe mauve, une longue tache de jus, preuve tangible d’un nouveau pas vers l’autonomie: ma fille vient d’apprendre à boire toute seule au verre, pour la plus grande fierté de sa maman.

Pas et chants ou sifflements (c’est selon) qui montent dans l’étroit escalier menant à nos postes: ma patronne s’obstine à annoncer bruyamment son arrivée.

Coup d’œil sur la photo

- Elle a l’air abrutie sur cette photo!

- Elle n'est pas abrutie elle est triste parce qu’elle attend sa maman

- Elle a toujours la bouche ouverte et elle bave!

- Elle vient juste d’apprendre à boire toute seule

- Si ça se trouve on t’a refilé une mongolienne!

Et de nouveau ses pas…

… et ses rires qui descendent l’escalier…

Fragment 2

Presque trois ans de présence dans mon entreprise, c’est l’heure des bilans annuels de compétence.

Depuis l’été 2007 alors que nous croyons tous à un voyage imminent vers Haïti, je vis dans “stupeur et tremblement”, occupée à des tâches peu flatteuses et sans trop de rapport avec ce que je crois savoir faire et ce pourquoi j’ai été choisie.

Et à chaque réunion, toujours les mêmes questions :

- Alors tu penses partir quand?

- Nous on aimerait bien savoir, pour l’organisation.

- Il y a quelqu’un qui attend pour te remplacer…

Fin décembre, enfin, le grand voyage vers ma fille.

Dès mon retour de congé d’adoption, 11 semaines plus tard, mon chef me confie tout à coup un nouveau travail hors de mes cordes qu’elles soient techniques ou sensibles.

Et ce 22 mai, c’est mon entretien avec mon responsable et mon patron, l’assaut est donné:

Pas assez technique, trop graphique mais pas comme on voudrait, trop, pas assez…

Mon caractère? Pas assez souple? Trop fort? Pas assez effacé?

Apparemment pas le bon non plus et ça se nomme un caractère pas facile.

Me voilà donc devenue brusquement une “trop, pas assez”.

- Et puis tes 18 mois de grossesse!!!

- Il ne faut pas embaucher de femmes

- Mais les autres au moins on sait quand elles accouchent

- Alors?

- Nous allons devoir nous séparer.

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