Attention, droits réservés

Creative Commons License
Les textes des Ateliers Ecritures Colombines mis à disposition sur ce blog par Nadine Fontaine sont régis par les termes de la licence Creative Commons. Leur citation n'est permise qu'assortie du lien indiquant leur origine et ne peut donner lieu à usage commercial sans accord avec les auteurs.

mercredi 6 janvier 2016

Le destin

En ce matin d’été, Marina et Miyou vont sur la côte, au port de Marseille. 
-Miyou, tu te rappelles ce que je t’ai dit le jour de l’anniversaire de tes douze ans quand nous sommes allées au port? questionne Marina. 
-Oui, tu m’as dit de toujours vérifier que le mât du voilier est droit, répond Miyou souriante. 
Miyou se sent fatiguée, elle interpelle sa cousine. 
-Je vais rentrer à la maison, j’ai l’impression que l’orage approche. 
-Moi, je vais faire un tour de repérage pour notre course de demain après-midi, répond Marina en fixant Miyou. 
-Tu es sûre, ta maman nous a dit de rentrer, avant que l’orage ne débute et que les nuages ne recouvrent le ciel, protesta Miyou. 
-Ecoute cousine, j’ai vingt ans maintenant. Je ne suis plus une petite fille. Je n’en ai pas pour longtemps. D’accord? Je reviens vite, s’exclama Marina en faisant un bisou sur le front de sa jeune cousine. 
Elle s’éloigne de Miyou qui la regarde bouche bée. 

Puis Miyou crie à Marina: 
«Reviens vite! Avant que la mer devienne incontrôlable!» 
Pas de réponse, Marina est déjà sur son voilier. 
Miyou s’élance dans les boulevards. Elle court aussi vite qu’elle peut, paniquée par le départ rapide de Marina. 
Arrivée à la maison, elle entre brutalement et se précipite dans le salon. Les parents de Marina et les siens discutent tranquillement. Ils interrompent leurs discussions et regardent Miyou d’un air interrogateur. 
Elle est pâle. Sa mère lui demande: «Marina n’est pas avec toi?» 
Non, fait-elle avec la tête. 
«Où est-elle?», s’empresse de dire la mère de Marina en secouant légèrement Miyou. 
Miyou répond d’une petite voix: «Marina est partie en mer avec son voilier… pour… pour faire du repérage pour notre course de demain après-midi.» 
Il y a un silence pesant. Les paroles de Miyou mettent le père de Marina hors de lui. Enervé par l’acte de sa fille, il sort de la maison sous le regard effaré des parents de Miyou, triste de celui de la mère de Marina et accablé de celui de Miyou. Tout le monde est triste. Pas de nouvelles de Marina pour l’instant. 
-Maman, Marina va revenir, ne t’inquiète pas, explique Miyou. 
-Tu as peut être raison ma grande fille de douze ans, répond sa maman, un sourire triste sur les lèvres. 
Deux ans passent. Toujours pas de nouvelles de Marina. Miyou passe des semaines entières dans sa chambre, à regarder le port, la mer et son voilier. La tristesse s’installe dans ses pensées. Plus rien ne la fait rire. 
Pourtant, un jour, elle décide d’aller chercher au grenier le voilier en bois que Marina lui avait offert pour ses douze ans. 
Elle traîne des pieds. Miyou a le cœur gros, rempli de chagrin. Depuis l’absence de Marina, la petite fille qu’elle est a grandi dans la tristesse. 
Marina n’est pas venue à l’anniversaire de ses treize ans ni à celui de ses quatorze ans. 
-Elle m’a dit qu’elle reviendrait vite. 
Soudain, la jeune fille aperçoit une lettre sur le tapis devant la porte. 
Elle la ramasse et la lit. Pétrifiée, elle hurle. 
Ses parents accourent, voyant la lettre dans les mains de leur fille, ils blêmissent. 
-C’est une lettre de Marina, bégaye Miyou, tremblant des pieds à la tête. 
-Oui, finit par lâcher d’un ton sec son père. 
-Pourquoi ne m’avoir rien dit? dit-elle hors d’elle, se sentant trahie par sa propre famille. 
-Ses parents nous l’ont demandé, répondit-il en levant les yeux au ciel. 
Un sentiment de haine et de colère envahit soudainement Miyou. Elle tourne les talons, furieuse d’avoir été tenue à l’écart et d’être aussi naïve. 
Sa mère muette, incapable de dire quoi que ce soit, s’approche de sa fille. Miyou se tourne, son visage est ruisselant de larmes. Ses yeux sont rouges. Elle fuit du regard les yeux fixés sur elle. 
Sans avoir adressé la parole à personne, elle sort de la maison en claquant la porte. Elle descend au port par les rues étroites d’un pas décidé, prend son voilier, le pousse vers la mer, monte dessus. Elle s’éloigne du port en laissant derrière elle ses parents. 
Quelques larmes coulent sur son petit visage. Elle les essuie d’un revers de main et prend le large. 
-Il fait beau, le temps est idéal pour faire de la voile. 
On entend le cri aigu des mouettes qui survolent la mer, le vent souffle fort. 
Pas de chance, les nuages approchent. Ils annoncent la tempête. 
Après trente minutes environ, deux gros rochers sont nettement visibles. 
Miyou essaye de faire une manœuvre pour les éviter. 
Malheureusement, son voilier n’évite pas les rochers et s’encastre violemment dans l’un des deux. Un trou se forme dans la coque du voilier. 
-L’eau … l’eau va engloutir mon voilier dit-elle paniquée. Je dois prendre mon gilet de sauvetage en vitesse. Vite! Le temps presse. Miyou se concentre et retrouve son calme. Je n’ai pas le temps de le prendre, s'exclame-t-elle. 
Par manque de temps, elle saute dans l’eau gelée qui la frigorifie. 
Dans quelle situation s’est-elle mise? 
Miyou essaye de tenir la tête hors de l’eau pour ne pas s’étouffer. 
Je vais mourir noyée, il faut que je bouge, pense-t-elle. 
Déterminée, elle nage sans savoir où aller. Des vagues géantes l’engloutissent. Elle ne perd pas espoir et redouble d’efforts, la fatigue la gagne dans ce combat acharné contre la mer; elle sait qu’il n’y aura qu’un gagnant. 
Lorsque, soudain, elle n’a plus la force d’avancer, elle respire difficilement. 
C’est la fin, adieu Marina. Je suis partie seule en mer, à quatorze ans, laissant ma famille dans une tristesse infinie, songe Miyou toute tremblante avant d’être engloutie par les vagues. 

Marie 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous avez aimé ce texte ?
Dites-le !