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mercredi 16 septembre 2015

Une enfant court

Une enfant court, elle fuit, toujours plus vite, rien ne semble pouvoir l’arrêter. 
Elle aperçoit le portail au fond de la cour, immense, noir, hérissé de piquants, il lui apparaît comme la seule solution à son chagrin, l’atteindre, ouvrir la porte et fuir. 

Ce matin-là, Valentine rêvait, un rêve chaud et rassurant. Une sonnerie stridente déchira la tranquillité du petit matin. Et Valentine se souvint. C’était le grand jour, le jour de la rentrée. Les conseils prodigués par sa mère trottaient dans sa tête. 

«Tu seras bien sage, tu écouteras la maîtresse et surtout travaille bien, applique-toi, que nous soyons tous fiers de toi.» 


Elle vit, posés sur la chaise, les nouveaux vêtements achetés la veille, une jupe plissée, un chemisier blanc et cet horrible tablier rose pâle qu’elle devrait obligatoirement porter toute l’année. 

«Je ne veux pas y aller», se dit-elle;elle savait bien que rien ne viendrait la sauver. Il faut dire que jusque-là, sa jeune existence solitaire et protégée n’avait connu aucun chaos. C’était une enfant calme, craintive que des parents inquiets abreuvaient d’interdits et de «On ne doit pas» , «On ne fait pas», «Ça ne se fait pas», «Tu dois», «Il faut»... Pas l’ombre d’un compagnon de torture à l’horizon, pas d’autres amis qui auraient pu trouver grâce aux yeux de ses parents. Et toutes ces grandes personnes qui attendaient tant d’elle, qui faisaient reposer leurs espoirs frustrés sur ses frêles épaules d’enfant. Elle aurait tant donné pour les satisfaire. 


Mais revenons à ce réveil qui sonne dans le petit matin... Promesse d’une journée effrayante, où Valentine se trouvera confrontée à ses pires craintes, une maîtresse inconnue, des enfants hurlants. 
Ni une ni deux, elle saute hors de son lit, enfile tant bien que mal ses vêtements et sort de la chambre. Il ne lui reste qu’une solution: la fuite. 

Elle sait que son père, distrait, oublie souvent de fermer la porte de la grille; c’est sa seule chance d’échapper à l’enfer, de pouvoir enfin respirer librement, ne plus être écrasée par cette peur qui l’enserre comme un étau. A pas de loup elle descend le grand escalier en chêne vernis, minuscule ombre dans l’obscurité du couloir. Encore quelques marches, quelques pas sur le carrelage, et elle atteindra le petit jardin. Elle ouvre la poignée de la grande porte, une brise matinale effleure ses longs cheveux, elle court vers la grille, son seul espoir. Arrivée près du portail, elle saisit le galet rond et noir qui masque la serrure. Elle le tourne, insiste, s’affole. Rien ne bouge. Elle entend la voix de sa mère qui crie son prénom «Valentine». Elle voit son ombre se profiler dans l’entrée de la maison. 
«Mais que fais-tu là? C’est l’heure d’aller à l’école, tu as être en retard. Franchement Valentine, tu n’es plus en bébé. A cinq ans tout de même! Viens ici tout de suite, nous partons dans cinq minutes.» 

Résignée, Valentine lâcha la poignée de la grille, elle se retourna «J’arrive maman. Je voulais juste regarder si je n’avais pas perdu ma poupée dans la rue.» 

Lentement, elle traversa le jardin et rejoignit sa mère, tout espoir de fuite ruiné. 


Chantal 

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