Marie-Louise n’avait pas une bonne santé depuis plusieurs années et souffrait de cholestérol et d’hypertension. Elle était soumise à un régime pauvre en sel, en matières grasses et avait dû modifier sa façon de cuisiner au quotidien: pas de sel, légumes vapeur, viandes maigres, fromages 0%. Son mari, Raymond, avait dû s’habituer mais se permettait tout de même quelques écarts tandis que Marie-Louise résistait courageusement devant le saucisson que Raymond sortait tous les soirs après la soupe de légumes sans lard.
Elle aimait beaucoup recevoir sa famille et ses amis. Elle continuait donc de temps en temps à préparer ses bons petits plats habituels pour le bonheur de partager et de faire plaisir. Dans ces moments-là, elle ne respectait pas tout à fait le régime mais restait tout de même raisonnable.
Un jour, elle eut un œdème pulmonaire dont elle réchappa par miracle. Après quelques jours d’hôpital, elle revint à la maison fortement diminuée, sans forces, le teint grisâtre, le visage tout ridé. Elle qui avait été une mamie fraîche et soucieuse de sa personne se négligeait et ne s’intéressait plus à rien.
Comme elle n’avait pas la force de cuisiner, Raymond prit le relais. Jusque-là, il n’avait guère mis les pieds dans le domaine de Marie-Louise. A cette époque-là et dans ce genre de famille paysanne traditionnelle, les rôles entre hommes et femmes étaient bien distincts: pour les hommes, les travaux à l’extérieur, pour les femmes, la marche de la maison, l’éducation des enfants, mais au cas où elles se seraient ennuyées, se rajoutaient le soin aux animaux de la ferme et les coups de main ponctuels aux hommes.
Elle le laissa investir sa cuisine avec amertume mais avait-elle le choix ? Lui, en pleine forme et débrouillard, apprit très vite et avec un certain plaisir à concocter des repas tout à fait mangeables. Au fil des jours, il lui demandait de moins en moins de conseils et cherchait de nouvelles recettes dans le livre de cuisine.
Elle se garda bien de lui parler du régime, il oublia les conseils du médecin et prépara des plats en sauce, des fritures, des desserts à la crème. Le plateau de fromages fut à nouveau garni de camembert moelleux, de comté odorant, de picodons bleutés. La nourriture correctement salée n’était plus insipide.
Tous deux se régalaient, Marie-Louise n’avait plus que ce plaisir-là et Raymond était heureux de la voir manger de bon appétit. Ils prirent tous deux quelques kilos. Cependant, le docteur s’étonnait que le résultat des analyses de sang ne soient pas meilleurs. Marie-Louise et Raymond ne pipaient mot. Hélas Marie-Louise en paya le prix: elle fut terrassée par un AVC au bout de deux années de plaisirs retrouvés.
1/11/2022
Marie
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