Comme à son habitude, Sébastien se tient devant sa fenêtre. Il peut rester ainsi des heures immobile, scrutant le ciel et la mer. Ce matin-là, la baie est une vaste étendue de vase, que la mer a désertée – elle est là-bas, encore invisible, laissant la terre aux hommes qui bientôt la fouleront par grappes multicolores. La brume recouvre l’horizon, où se dessine une forme estompée, comme une silhouette sous un linceul. Les couleurs ne sont pas encore nées, se dit Sébastien, qui ajoutera à sa palette quelques autres nuances de gris et de brun. Sur ses toiles le ciel laiteux et la vase se confondent – seul parfois un mince rai de lumière sépare le ciel et la terre, le ciel et la mer qui sous ses pinceaux est toujours boueuse. Il sait que les autres, tous les autres, tous ceux qui viennent ici, sous ses fenêtres, ajouter des taches de couleurs, voient sous les nuages le bleu du ciel et la lumière iriser les flots, qu’ils jurent être bleu outremer.
Sans détacher son regard du paysage, il tend la main et s’empare d’une paire de jumelles. Il y a toujours des êtres solitaires qui traversent la baie, courbés vers la vase où ils s’enfoncent. C’est si tentant de laisser les premières empreintes sur une terre vierge. Il les imagine emportés par l’exaltation d’être les premiers – comme au temps de la création, mus par le même orgueil que Prométhée.
Il balaye la baie, s’étonne de ne voir personne jusqu’au moment où il aperçoit une femme un appareil photo tendu devant elle. Elle est très loin de son but, de la silhouette qui émerge lentement de la brume. Elle n’a pas pris le bon chemin. Même si aucun sentier n’est tracé, même si aucun panonceau, aucun signe ne balise les chemins possibles, les connaisseurs de la baie savent éviter les pièges invisibles, calculer la vitesse de la mer. La femme est trop loin des chemins habituels que Sébastien connaît à force d’observer les files de touristes même si lui n’a pas encore tenté la traversée. Il préfère parcourir le monde derrière ses fenêtres, devant son chevalet ou son écran. Elle marche lentement, s’enfonce dans la vase, s’arrête et prend des photos. Le brouillard s’est déchiré et l’or de l’archange scintille, aspirant vers le ciel la brume de terre qui s’effiloche en lanières évanescentes. Sébastien y discerne des chérubins et des cupidons.
La femme a repris sa marche. Sébastien pose ses jumelles, abandonnant la femme à sa lente progression. En contrebas de sa fenêtre commence le défilé des promeneurs et randonneurs. C’est un peu plus loin que se rassemblent ceux qui vont traverser la baie. Or, ce matin, aucun groupe ne s’est formé. Sébastien fronce les sourcils et reprend ses jumelles. La femme disparaît derrière son appareil photo qu’elle tend à bout de bras; elle pivote sur elle-même et filme la baie en panoramique. Sébastien connaît ces mouvements, reconnaît les gestes : les êtres humains se ressemblent tant. À l’ouest, la vase se recouvre d’une pellicule d’eau. La mer arrive et envahira bientôt le paysage, submergera les chemins invisibles, remplira les creux laissés par les pas. La femme tourne le dos à la mer et n’a d’yeux que pour la silhouette qui a émergé de son voile et qui s’élance vers le ciel.
Miracle de la résurrection, murmure Sébastien, chaque jour renouvelé. Et pourtant les flots s’approchent, prêts à entrer dans le conflit éternel. Sébastien voit à travers ses jumelles que la femme a enfin compris, sa tête s’affole pendant que son corps s’enlise, aspiré par les sables mouvants. Elle a rangé son appareil photo et ses bras battent l’air.
Sébastien soupire. Il lâche ses jumelles, attrape son téléphone et compose le 18.
C’est la première fois qu’il appelle les secours; il se demande s’il y aura des conséquences, espère qu’on le laissera tranquille. Il n’aime pas être dérangé dans son train-train, il n’a pas envie de bavarder. En venant vivre ici, il a tourné le dos à la fébrilité du monde et s’est apaisé. Un hélicoptère bourdonne au-dessus de la baie.
Il allume son ordinateur, l’éteint aussitôt, se plante devant son chevalet et étudie sa toile, que l’aube a envahie. La matinée va être longue, se dit-il, soudain déstabilisé par le désœuvrement qui l’attend. Pourtant, il ne connaît pas l’ennui, il aime cette vacuité de la pensée et du corps, il peut rester des heures devant sa fenêtre ou allongé sur son lit ou encore assis sur une chaise, hypnotisé par l’écran de son ordinateur où il ne se passe pas toujours quelque chose.
Ses parents ne supportaient pas de le voir ainsi, absorbé par le rien. Ils l’ont tiré, poussé, secoué; ils lui ont tout proposé pour le sortir de son «marasme», comme ils disaient, ne comprenant pas que Sébastien se recroquevillait d’autant plus en lui-même que ses parents voulaient l’en sortir.
Alors il est parti, est venu vivre ici, au bout de la terre. Où il ne connaît personne, où il quitte son appartement pour faire quelques courses, le mardi matin, à 9 heures: 4 tranches de jambon, six œufs, un paquet de 500g de spaghettis, un autre de penne, un sachet de fromage râpé, 20cl de crème fraîche liquide UHT, un paquet de pain de mie sans croûte, du fromage Kiri, des pommes parfois. Qu’il complète le vendredi, à 15h, pour tenir jusqu’au mardi suivant. Les menus ne varient pas, il ne cuisine pas, il se nourrit. Peu. Manger le dégoûte. Regarder les autres manger est un calvaire.
Le soir est tombé, la mer scintille sous les derniers rayons de soleil; bientôt tout disparaîtra dans la nuit et Sébastien pourra ouvrir sa fenêtre, écouter la mer et le vent sans être gêné par des rires ou des paroles. Il se sentira seul au monde et cela lui plaira.
Il est content : personne ne l’a appelé. Il avait dû donner son nom et son numéro de téléphone aux pompiers; il ne voulait pas mais la personne a insisté, il ne sait pas mentir, inventer un nom, un numéro de téléphone, donner une fausse adresse. Il a eu beau répéter que ce n’était rien, qu’il appelait parce qu’il avait vu cette femme mais que peut-être c’était pour rien, que tout allait bien, que c’était normal, ces touristes qui traversaient la baie, que peut-être c’était une habituée, qu’il avait mal vu, mal interprété. La standardiste l’avait interrompu: «l’hélicoptère vient de décoller après vérification: il y a bien une femme prise dans les sables mouvants, qui ne sait pas comment en sortir. Et la marée est montante».
La protection civile l’aurait vue, il n’avait pas besoin de téléphoner, s’était dit Sébastien, qui avait attendu la suite avec angoisse. Mais personne n’avait appelé. Il peut dormir tranquille.
Trois jours plus tard, il a oublié la femme et son appel aux pompiers. La baie est sillonnée par des groupes conduits par des guides, Sébastien n’a remarqué aucun touriste solitaire. Certainement, l’incident a fait la une du journal local, et on aura raconté aux nouveaux venus ce qu’il en coûte de s’aventurer seul.
Aussi, quand son téléphone se met à vibrer sur son bureau et qu’un numéro inconnu s’affiche, il s’étonne mais prend quand même l’appel. Plus tard, il se maudira. Au début, il ne comprend rien. Une voix de femme se présente, il n’entend que son accent et dès lors, son esprit se bloque; il ne comprend rien de ce qu’elle raconte. Elle parle vite, avec cet accent québécois que Sébastien ne trouve pas char-mant.
— Allô, allô, vous êtes là?
— Oui, oui, répond-il, mais je n’ai pas compris: vous êtes qui?
Et c’est ainsi que l’histoire oubliée déferle: la promenade dans la baie, le paysage merveilleux, les couleurs, la brume, les photos, la vase, et soudain elle s’enfonce. Elle crie « vous comprenez? Je m’enfonçais dans la vase et je ne pouvais rien faire! Plus je bougeais, plus je m’enfonçais, et la mer montait, et il n’y avait personne, personne.» La femme se met à pleurer, à bredouiller «vous m’avez sauvé la vie».
Sébastien nie, pas du tout, les pompiers vous auraient vue, il y a des vigies sur le mont, ils ont des jumelles, je suis sûr qu’ils vous avaient déjà repérée avant que j’appelle.
Mais la femme ne veut rien savoir, non, non, c’est vous. Vous m’avez sauvé la vie, répète-t-elle. Alors je voudrais vous remercier. Dites-moi ce que je peux faire.
— Rien, répond Sébastien. Rien, vous ne pouvez rien faire, je ne veux rien. Laissez-moi tranquille.
Et avant qu’elle insiste, qu’elle recommence, qu’elle répète «vous m’avez sauvé la vie», qu’elle propose de le rencontrer, de l’inviter au restaurant, de sortir au moins prendre un pot, de lui dire que sa porte est ouverte, qu’il peut venir au Québec… il bafouille : je vous en prie, je vous en prie. Et il appuie sur le bouton rouge de son portable.
Il a chaud. Il regarde son mobile qu’il sent prêt à sonner de nouveau. Il respire lourdement.
Il part s’enfermer dans sa salle de bains, une pièce minuscule qu’il appelle «ma poche kangourou», il s’assoit sur l'abattant de la cuvette, se prend dans les bras et se balance pendant que le téléphone sonne en vain de l’autre côté de la cloison.
Il a beau être brusque, les gens ne comprennent pas. Ils insistent. Depuis toujours. Quand il est très cash, ça marche, généralement, ça marche même si bien qu’il s’en prend plein la gueule en retour. Il a mis un temps fou à accepter de ne pas comprendre ces autres si différents de lui. Mille expériences lui ont enseigné qu’il devait fuir les gens, éviter autant que possible d’avoir des relations directes. Il a facilement trouvé le métier adéquat. Comment faisaient-ils avant le développement de l’informatique? La machine l’a sauvé, il s’est promené dans les arcanes des codes et des langages, a exploré le Web comme les botanistes du XIXe siècle ont défriché la forêt amazonienne: avec ravissement. Sauf que lui n’a eu besoin de personne à ses côtés. Il lui suffisait d’avoir des alter ego derrière leurs avatars.
Sébastien est devenu expert; il n’est en relation avec ses clients que par écran interposé. Tout va bien. Il gagne suffisamment d’argent pour s’offrir un appartement avec vue sur la mer et acheter ses bécanes, et maintenant des tubes de gouache et des toiles.
Ici, on le laisse tranquille, il rencontre des voisins seulement l’été et le temps des week-ends prolongés. Bonjour, hochement de tête, bonne journée, hochement de tête. Il va à la supérette faire ses courses. Ses parents lui téléphonent régulièrement, sa voix le surprend parfois.
Sébastien a repris son train-train; il ne se rappelle plus le nom de la Québécoise, Diane quelque chose. Il pense à elle quand il est devant sa fenêtre. Hier est apparue une minuscule silhouette dans un coin de son tableau. Une tâche rouge. Au milieu du brun de la vase. «Hmm», s’est-il entendu prononcer. Plusieurs jours ont passé, il n’a plus rien à manger, doit aller faire des courses, en dehors des jours attribués, a volontairement sauté le vendredi suivant l’appel aux pompiers et le mardi d’après. Il n’a plus une seule penne ni un seul petit morceau de beurre.
Il sort. Il est insouciant, ne pense pas un instant qu’il pourrait rencontrer la Québécoise, qu’il imagine être partie – qu’il n’imagine pas, d’ailleurs, ni restée ni partie. Et pourtant, quand il passe devant le café Les embruns il entend en même temps qu’il voit une femme attablée sur la terrasse «vous connaissez Sébastien Marcelin? Je cherche Sébastien Marcelin, vous le connaissez?»
Il se fige, fixe un point plus loin, la bouche entrouverte.
— Oh, c’est vous, n’est-ce pas ? Je suis Diane. Diane Lavoie. Vous vous souvenez? Vous m’avez sauvée.
La tuile. Sébastien est changé en statue de sel. Elle s’est levée et approchée, le touche légèrement. Il sursaute et fait un bond en arrière.
— Je vous en prie, ne fuyez pas, n’ayez pas peur. J’ai besoin de vous parler, je ne partirai pas avant! Cela fait une semaine que je vous cherche. Les pompiers n’ont pas voulu me donner votre adresse. Je me suis assise là, tout le monde est obligé de passer devant ce bistrot.
Elle le tire par la manche.
— Allez, venez, ne soyez pas timide, je vous offre un verre.
Sébastien n’a pas ouvert la bouche, il s’est laissé faire, le voilà assis sur une chaise. Une semaine, pense-t-il. Il comprend que plus tôt elle lui dira ce qu’elle a sur le cœur, plus tôt il pourra retourner à ses occupations, acheter ses provisions pour la semaine.
Il hoche la tête et tout en fuyant son regard, prend sur lui et dit:
— Mais pourquoi est-ce si important pour vous? Vous savez, en France, le don est anonyme. Vous ne pouviez pas considérer mon appel comme un don anonyme?
Elle reste silencieuse, elle affiche un air étonné, Sébastien voit les rouages de son cerveau tourner, il n’est pas comme elle l’a imaginé, elle ne sait plus quoi lui dire, pense-t-il, et il voudrait se lever, lui dire: vous ne me devez rien.
— Parce que voyez-vous, entend-il soudain, mon portable m’avait lâchée. Parce que, bien sûr, dès que j’ai compris, j’ai rangé mon appareil photo et j’ai pris mon téléphone. Rien, écran noir. Pourtant, il était chargé, vous pouvez me croire, je l’avais laissé se recharger toute la nuit et quand je suis partie ce matin-là, il marchait, j’ai même envoyé un SMS à mon fils.
Elle a parlé d’une traite, quasi en apnée. Une semaine après, elle est encore sous le choc. Sébastien pense qu’elle exagère, qu’elle théâtralise.
— Les pompiers ont dû vous l’expliquer, finit-il par dire, la mer montait, d’accord mais elle était encore loin. Vous savez, vous n’êtes pas la première à qui ça arrive. Tous les ans, le journal raconte la mésaventure d’un touriste comme vous. Les pompiers arrivent toujours à temps. Vous n’auriez pas eu le temps de vous noyer.
Sébastien n’a pas la patience d’entendre des jérémiades. Il a envie de dire: vous en êtes quitte avec la peur, c’est tout. Il fait des efforts pour rester poli, comme on le lui a appris.
— Oui, ils me l’ont dit, mais ils m’ont aussi passé un sacré savon. Ils avaient raison. Figurez-vous que je suis une femme responsable, je ne suis pas du tout une tête brûlée. Alors, je me pose des questions, forcément.
Sébastien est soudain curieux, quelle drôle de conclusion. Pourquoi les gens ne se contentent-ils pas des faits, pourquoi faut-il qu’ils cherchent un sens caché?
— Moi, vous savez, rétorque-t-il, je ne cherche jamais midi à quatorze heures. Vous avez voulu traverser la baie toute seule. En un sens, je vous comprends, je détesterais marcher en troupeau. Bon, le paysage est magnifique, vous aimez prendre des photos, vous vous attardez. Ah, et puis, vous n’avez pas pris le temps de lire un guide sur la région, vous n’avez pas entendu parler des sables mouvants, vous vous êtes lancée, et voilà. Ça a failli mal se terminer parce que ce jour-là vous avez été plus insouciante que responsable. Et que votre portable vous a lâchée. Malheureux concours de circonstances.
Sébastien n’en revient pas d’avoir autant parlé. Il est essoufflé.
— Alors, pour vous, ce n’est rien d’autre qu’un malheureux concours de circonstances? Pour vous, il ne faut pas interroger le sens de la vie? Se demander pourquoi tout cela s’est passé comme ça, ce jour-là? Quel rôle vous avez joué, si vous et moi nous sommes reliés d’une manière ou d’une autre? Vous comprenez ce que je veux vous dire?
— Non, je ne comprends pas. Vous savez, moi, je m’en tiens aux faits. Je constate et c’est tout. Je suis incapable de raconter des histoires, de lire entre les lignes, de tirer des conclusions comme si les faits étaient des cartes de tarot qu’il faudrait interpréter.
— Terre à terre, quoi, dit-elle d’une voix déçue.
— Oui. Je prends tout au pied de la lettre.
Sébastien est intrigué: plus par lui que par elle. Il pourrait se demander pourquoi il reste là, à discuter avec une inconnue. Mais comme il le lui a dit, il se contente de constater qu’il n’a plus envie de fuir, qu’il a commandé un jus de pomme, qu’il écoute Diane dérouler ses interrogations, qu’il répond à ses questions. En un mot, il discute. Il bavarde.
La terrasse se remplit, le serveur dresse les tables.
— Vous déjeunez? leur demande-t-il en leur tendant le menu.
Bien sûr, Diane réagit plus vite que Sébastien, elle dit oui en s’emparant de la carte puis s’adressant à Sébastien ajoute: Je vous invite.
Encore un obstacle à franchir, il devrait partir, là maintenant, en finir avec cet épisode qui bouleverse son programme et ses habitudes, qui l’oblige à s’adapter à cette femme si différente de lui.
Il entend Diane commander un plateau de fruits de mer. Il n’a pas eu le temps de discuter, mais il a dû hocher la tête ou faire un signe d’assentiment quelconque quand elle s’est exclamée: oh, que dirais-tu d’un plateau de fruits de mer? Parce que le tutoiement soudain l’a frappé de stupeur. Mentalement, il a reculé sa chaise.
Pendant tout le repas, il l’imite, est au bord de la nausée en avalant son premier bulot, qu’il fait passer avec une bonne gorgée de vin blanc. Parce qu’elle a aussi commandé une bouteille de Muscadet, lui demandant son avis «toi qui es français». Il l’a laissée choisir, a voulu, lui, une carafe d’eau, mais s’est retrouvé avec son verre rempli de vin. Il boit. Il mange. Il écoute. Il parle.
Ils restent longtemps ensemble. Sébastien ne porte pas de montre. Diane ne se préoccupe pas du temps qui s’écoule. Elle n’a pas de programme et Sébastien oublie le sien. Il se demande comment ils vont se débrouiller pour mettre fin à cette rencontre. Lui ne sait pas faire. Ou il ne sait pas faire autrement que partir brusquement.
Et puis, d’un coup, Diane s’est levée, et il est resté assis devant une chaise vide, s’est demandé si c’était le signal du départ, s’est rappelé à temps qu’elle allait revenir et qu’il ne pouvait pas filer à l’anglaise.
— C’est bon. On y va?
— Je dois faire des courses, dit-il.
Elle le remercie pour tout, lui glisse sa carte de visite dans la main.
— Cela me ferait plaisir d’avoir de tes nouvelles.
A la délicatesse de ne pas lui demander son adresse, de ne pas l’accompagner jusque dans le magasin, de ne pas lui proposer de se revoir. Elle le quitte de loin, ne lui tend pas la main, lui fait seulement un grand sourire. Puis se courbe devant lui comme un maître de karaté. Sébastien l’imite et murmure des remerciements. Puis il tourne les talons.
Le soir, il a le regard tourné vers l’ouest et le coucher du soleil, se dit qu’il pourrait changer de motif sur ses toiles, les barbouiller d’orange et de jaune.
Il met plusieurs jours à se rendre compte qu’il tient des conversations dans sa tête, qu’il s’est mis à écrire. Les faits, rien que les faits: il n’invente rien. Il raconte le paysage, la mer et le ciel. La carte de visite est posée sur son bureau, adossée à l’écran de son ordinateur, il l’a tout le temps devant les yeux, connaît l’adresse mail par cœur. Diane est retournée au Québec, elle lui a envoyé un SMS pour le lui dire. Il a répondu «bon voyage» deux jours plus tard. Appuyer sur la touche envoi lui avait demandé beaucoup d’efforts.
Il enverrait bien une historiette à Diane. Un jour. Peut-être.
Lydie
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