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vendredi 12 février 2021

Le corps dans tous les sens

Portrait chinois des cinq sens 


Si c’était la VUE, ce serait la lecture dans la nature renaissante du printemps ou flamboyante de l’automne. 
Si c’était l’OUIE, ce serait le chant des oiseaux. 
Si c’était l’ODORAT, ce serait le parfum de l’humus dans la forêt. 
Si c’était le GOUT, ce serait les poires chapelans caramélisées que ma grand-mère laissait des heures sur le coin du fourneau. 
Si c’était le TOUCHER, ce serait le moelleux de la mousse dans les bois. 


La nuit dans la forêt 


Un jour que je marchais avec des amis dans le Vercors, sur le retour nous nous sommes trompés de chemin et avons dû revenir sur nos pas. Le jour baissait quand nous avons retrouvé le bon sentier qui traversait une forêt de sapins. Ma frontale éclairait le marcheur devant moi mais de chaque côté, l’obscurité était de plus en plus profonde, les arbres serrés et parallèles ne laissaient pas passer les dernières lueurs du jour et formaient un mur menaçant. J’avais beau me raisonner: «Nous sommes sur le bon chemin, après la forêt on arrive au village», rien n’y faisait, l’angoisse montait en moi, mon cœur battait plus vite, j’étais essoufflée. 
Soudain, je me suis revue petite, avec ma grand-mère me tenant par la main d’un côté, mon jeune frère de l’autre. Elle nous avait emmenés chercher des champignons dans les bois et ne retrouvait plus le chemin du retour. Or la nuit tombait. Nous nous serrions tous deux contre elle et commencions à pleurnicher, apeurés par l’obscurité qui envahissait peu à peu la forêt, les bruits de la nature, une branche qui craquait, un oiseau qui s’envolait bruyamment… Je pensais à la chèvre de M. Seguin que le loup avait dévorée. Certainement sentions-nous aussi confusément que Mémé commençait à s’affoler. Pourtant elle se contentait de marcher tout en nous rassurant: «n’ayez pas peur, je suis là, on va retrouver le sentier». Effectivement, au bout d’un moment qui m’a paru très très long, nous avons retrouvé le sentier. Quel bonheur quand on est arrivés dans la cuisine chaude et éclairée. Nous étions enfin en sécurité! 
 

Petite nature 


J’ai peur à la vue du sang, j’ai peur de la souffrance, de la maladie. Je choisis avec soin les films ou spectacles que je vais voir ou les livres que je lis: les images et les textes effrayants ou angoissants ne sont pas pour moi! 
Un matin, j’allai au laboratoire d’analyses médicales pour subir une prise de sang. Depuis la veille, j’étais angoissée: j’avais peur de la réaction de mon corps. C’était une époque où j’étais sujette à des crises de spasmophilie au moindre stress. J’essayais de me détendre, de respirer profondément, de me raisonner: «ça ne fait pas si mal et je n’ai qu’à fermer les yeux». Être à jeun n’arrangeait rien. 
D’habitude je prenais un petit déjeuner consistant et là, je commençais à ressentir la faim. Mon énergie s’enfuyait. 
La salle d’attente était bondée. Je feuilletais une revue pour penser à autre chose, sans grand succès. Enfin ce fut mon tour. J’entrai dans la petite cabine, suivie par une jeune infirmière. Tout en m’asseyant dans le fauteuil, je commençai à m’alarmer: «zut c’est certainement une débutante, elle va me charcuter». Elle tâta mes veines au creux du coude, à gauche, à droite, et dit, sceptique: «vos veines sont fines, ça ne va pas être facile». Je me contractai un peu plus et ne regardai surtout pas la seringue. 
Elle me mit le garrot au bras gauche, chercha la veine, piqua, ne la trouva pas, enleva le garrot, le mit au bras droit, chercha la veine mais n’eut pas le temps de piquer. Je sentis que je prenais mal, me levai précipitamment, m’allongeai par terre. Bras, jambes et visage tétanisés, poitrine serrée par un poids invisible, aucun mot, aucun geste et la peur de mourir. 
La jeune femme appela à l’aide, un collègue arriva rapidement, ouvrit la fenêtre, la fraîcheur me soulagea, il me parla calmement, peu à peu la crise s’atténua et je pus me relever mais je n’avais plus de forces, tout mon corps était douloureux. Je reconnus le responsable du laboratoire qui me demanda si je souhaitais revenir une autre fois ou retenter l’expérience tout de suite. Dans ce cas, il pratiquerait lui-même la prise de sang. Je répondis: «tout de suite avec vous». Son âge, son expérience et sa douceur me mettaient en confiance. Et il aurait été étonnant que deux crises surviennent coup sur coup. Je me réinstallai dans le fauteuil, fermai les yeux, respirai calmement et tout se passa bien. De retour chez moi, je me mis au lit, exténuée. 
 

Nos amis les chiens 


J’avais sept ou huit ans et jouais dans la cuisine de la ferme avec Dick, un jeune chien de garde noir. Mes parents et mon frère étaient dehors. Dick était un peu fou comme le sont souvent les jeunes chiens. A un moment il m’a mordillé le ventre. Prise d’une panique soudaine, j’ai appelé ma mère en criant. Ma réaction a excité l’animal qui m’a alors mordue à l’oreille. Maman est arrivée en courant et a tiré le chien. La blessure n’était pas grave mais j’avais eu très peur. Le lendemain, ne voyant pas Dick, j’ai demandé où il était. Papa m’a répondu qu’il l’avait abattu car il était dangereux. J’ai pleuré. 
Depuis ce temps, le simple fait de m’approcher d’un chien de la taille d’un berger allemand me met mal à l’aise. Je me méfie, ne m’approche pas et s’il est agressif, j’ai des sueurs froides, mon cœur bat plus vite, je n’ose pas le regarder en face, j’ai envie de fuir et cherche un endroit où me réfugier pour échapper aux crocs. Si c’est un petit roquet hargneux, j’arrive mieux à me raisonner car il lui est impossible de me sauter à la gorge, il peut tout au plus me mordre les mollets et recevoir un coup de pied de ma part. 
Quand je me promène seule, je suis aux aguets et il m’arrive de rebrousser chemin, la peur étant plus forte que la volonté. Aussi je pars rarement en solitaire dans des endroits isolés. Quand je suis avec d’autres personnes qui n’ont pas peur des chiens, je suis moins saisie par la panique et me sens protégée par le groupe. 

Il m’est arrivé une fois une chose étrange. Nous nous promenions en famille dans le Diois. Nous avons été repérés par un patou qui gardait un troupeau de chèvres. Il n’y avait pas de berger. Le chien nous a suivis un moment le long de la clôture en aboyant. Mon premier réflexe a été la peur mais ma petite fille, paniquée, s’est collée contre moi et m’a pris la main. J’ai été surprise de voir que ma propre peur avait reflué, toute occupée que j’étais à rassurer l’enfant. 


Le mystère de l’eau 


Dans la famille, on allait pique-niquer au bord de la rivière, on pêchait, on barbotait dans vingt centimètres d’eau mais on ne se baignait pas vraiment. Personne ne savait nager. Mon père avait perdu un petit frère par noyade et la peur de l’eau s’était transmise d’une génération à une autre. Je n’ai pas appris la natation à l’école, les sorties à la piscine étaient très rares. 
Quand j’ai rencontré mon mari, il était très à l’aise dans l’eau et ne comprenait pas que j’aie peur. Il me brusquait et son attitude accentuait mon appréhension. Aussi j’allais rarement à la baignade avec lui ni plus tard avec les enfants car je ne voulais pas leur transmettre ma crainte. 
Après mon divorce, j’ai fréquenté des amis passionnés de natation. De les voir se mouvoir dans l’eau avec aisance, jouer, plonger me faisait très envie mais je me disais que c’était trop tard, que je n’arriverais jamais à apprendre à nager. Cependant je les rejoignais toutes les semaines à la piscine accompagnée de ma fille qui attendait ces moments avec impatience. Peu à peu je me familiarisai avec cet élément dangereux et un jour je me lançai un défi et décidai de prendre des cours de natation. J’avais quarante ans ! Pendant plusieurs mois, j’ai été très assidue, guidée par un moniteur compréhensif. Et au bout de ce temps, je savais nager la brasse là où je n’avais pas pied. C’était une grande victoire pour moi. 
Ensuite j’ai participé à des séances d’aquagym qui m’ont aidée à voir l’eau comme une source de plaisir. Je me souviens de ma joie la première fois où j’ai fait l’étoile de mer. C’était si simple, il suffisait de se détendre et de se laisser flotter. Comment avais-je pu si longtemps passer à côté de cette sensation d’apesanteur, les membres souples, les mains et les pieds frémissant légèrement quand le corps s’enfonçait, les oreilles dans l’eau qui assourdissait les bruits ambiants, le visage baigné par la lumière? 
Pourtant, bien que sachant nager, je suis incapable de jouer dans l’eau si la profondeur est importante. De la même façon, à la mer, je ne peux pas m’aventurer là où je n’ai pas pied. Imaginer l’inconnu au-dessous de moi me paralyse. Je me contente donc du plaisir de faire des longueurs à la piscine, de sentir mon corps glisser dans l’eau, se propulser, de respirer régulièrement, de me renverser en étoile quand je suis fatiguée. Ce n’est déjà pas si mal… 


La salopette de Pépé 


C’était un jour de repos, la famille au grand complet était accueillie par un cousin. Après le repas, certains discutaient, d’autres jouaient aux cartes ou à la pétanque. Julien, Nathalie et leurs enfants, citadins privés de nature, décidèrent de se dégourdir les jambes dans cette campagne qu’ils ne connaissaient pas. Ils longèrent la rivière, traversèrent les parcelles de vignes et s’arrêtèrent devant un cabanon utilisé par les ouvriers agricoles pendant leur temps de pause. Curieux, les enfants poussèrent la porte qui n’était pas fermée à clé et entrèrent dans la maisonnette. Leur père les suivit. Il y faisait sombre, les enfants ressortirent rapidement, un peu effrayés: «C’est tout noir et ça sent mauvais!» 
Julien, lui, demeura immobile, dans un état second. Cette odeur aigrelette qui piquait un peu le nez, où l’avait-il déjà sentie? Il ferma les yeux, inspira longuement. C’était une odeur paysanne qui se frayait un passage dans sa mémoire, une odeur qui venait de loin, de l’enfance avant qu’il ne devienne un parfait citadin. «Mais oui bien-sûr, ça sent la salopette de Pépé!», s’exclama-t-il. 
Une vague de chaleur le submergea, des images défilèrent dans sa tête: les vacances à la ferme, le grand-père avec la fameuse salopette revêtue uniquement pour traiter la vigne et les arbres fruitiers, la sulfateuse qu’il mettait sur son dos, le brouillard malodorant qui en sortait, les paroles qu’il disait: 
- Ne touche pas au produit, ne t’approche pas, c’est dangereux pour les enfants! 
- Et toi Pépé? 
- Moi je suis grand, ça ne craint rien! 
Une fois dans la remise à outils, il accrochait la salopette qui sentait un mélange de produit chimique, de sueur, de terre et de végétaux. De temps en temps, en la tenant du bout des doigts, la grand-mère la mettait dans la machine à laver, sans oublier de rajouter de la javel en fin de cycle, tout en ronchonnant: «Ah toutes ces cochonneries de produits, elles vont bien nous rendre malades!» 
Julien se souvient avec attendrissement de ces détails enfouis dans sa mémoire depuis tant d’années. Il sourit, c’était la fin des années 70, on ne parlait guère d’agriculture biologique à l’époque. Il est toujours immobile dans la pénombre. 
- Mais que fais-tu là dans le noir?, questionne son épouse. Tout doucement il revient à la réalité, le soleil est chaud, les enfants jouent, les oiseaux chantent. 
- Oui, oui, j’arrive. Venez, je vais vous raconter à quoi me fait penser cette odeur! 


Le feu de Pépé Fifi 


Mes parents étaient paysans. Je suis partie de la ferme à l’âge de vingt ans pour aller habiter en ville et suis restée citadine jusqu’à mes cinquante ans. Puis l’appel des racines a été le plus fort et je suis revenue sur ma terre natale. Là, j’ai retrouvé une occupation ancestrale: s’occuper d’un jardin. 
Un jour d’automne où mon mari et moi avions taillé des arbustes, nous avons allumé le feu sous le tas de branches coupées et je suis restée à surveiller la flamme. Un peu assoupie par la chaleur, je revis mon grand-père, debout appuyé sur sa fourche, guettant l’étincelle malheureuse qui pourrait enflammer le talus. 
Mon grand-père était ce qu’on appelait, en langage populaire, un «original»: aigri par son enfance malheureuse, susceptible, grognon, ne supportant pas les enfants qui bougeaient trop. J’étais calme et j’avais donc le droit de venir à côté de lui, mais pas trop près quand même. Je m’asseyais dans l’herbe, on ne parlait pas, on regardait le feu, les flammèches qui s’élevaient en crépitant, la braise qui rougeoyait. Je sentais l’odeur forte du bois brûlé, j’avais très chaud aux joues et toussais quand un courant d’air rabattait la fumée vers nous. Une fois le tas de branches consumé, mon grand-père arrosait les cendres pour être sûr que le feu ne reprendrait pas, et nous rentrions, toujours sans rien dire. 


Ma mère et les roses 


Quand je respire la senteur d’une rose, je pense à ma mère quand elle sortait du cabinet de toilette, le visage frais et doux, nimbée du parfum à la rose qu’elle affectionnait. Je ferme les yeux, le nez dans les pétales et je la vois, je la sens. 
Dans mon jardin poussent des rosiers qui sont des boutures des siens, eux-mêmes issus de ceux de sa grand-mère. Quelle transmission émouvante! Les dernières années de sa vie, comme elle ne pouvait pas marcher longtemps, on se contentait de faire le tour des plates-bandes et elle aimait me raconter l’origine de chaque arbuste. Ses yeux brillaient et son visage s’apaisait. 
Il y avait toujours un bouquet sur la table dans la maison de mes parents et souvent c’était un bouquet de roses, joliment agencé, avec des couleurs variées allant du blanc au rouge très foncé presque noir en passant par toutes les nuances de lilas, saumon, orangé. Quand elle était invitée, elle offrait un bouquet des fleurs de son jardin, de préférence des roses. Comme elle aimait lire, elle a reçu en cadeaux de nombreux livres sur ce thème : jardinage, botanique, romans, poèmes… 
Ma mère était une femme discrète, secrète même, un peu mélancolique. Je crois qu’elle s’évadait de la vie quotidienne grâce à la lecture et aux soins qu’elle prodiguait à ses fleurs. C’était son jardin secret. 


Les oiseaux 


Le chant des oiseaux a accompagné mon enfance et ma jeunesse comme un bruit de fond auquel je ne prêtais pas vraiment attention. Dans mon milieu où presque tous les hommes pratiquaient la chasse ou le braconnage, les oiseaux étaient des proies faciles destinées à finir en «rôtie», délicieuse recette locale dont voici le secret: Faire dorer les oiseaux (de préférence des grives ou bécasses, sinon les pigeons font l’affaire) dans de l’huile d’olive, avec quelques gousses d’ail non épluchées, des baies de genévrier, du thym et un peu de lard. Vers la fin de la cuisson, saler, poivrer, arroser de cognac. Désosser et hacher de façon à obtenir une purée facile à étaler. Faire légèrement griller au four des petites tranches de pain beurrées, y étaler la «rôtie» maintenue chaude au bain marie. Cette recette se sert en entrée, accompagnée d’une salade de «doucette» (mâche en bon français). 
Quand je suis devenue citadine, les bruits de la ville ont couvert le chant des oiseaux. Mais lorsque j’ai commencé à pratiquer la randonnée en montagne, j’ai découvert la nature sauvage, bien différente de la nature domestiquée de ma campagne natale. Mon mari m’a offert des jumelles et j’ai pris l’habitude d’observer les animaux, surtout les oiseaux car ils se cachent moins que les autres bêtes. J’ai acheté des livres, des CD, regardé des documentaires, participé à des sorties ornithologiques, pour apprendre à les nommer et reconnaître leur chant. Les écouter distraitement ne me suffisait plus. 
Chaque balade est donc associée à l’espoir d’apercevoir et d’entendre des volatiles, les jumelles pendent toujours à mon cou et mes oreilles sont aux aguets. Quand j’ai la chance d’en rencontrer un, cela peut paraître excessif mais la joie m’inonde, je ne bouge plus, j’écoute, je contemple et remercie la nature de m’offrir ce cadeau. Parfois, la montagne reste silencieuse et je reviens un peu triste de la balade. Je n’ai rien à noter sur mon petit carnet qui recense les oiseaux vus ou entendus au fil des saisons. Cela m’inquiète car de nombreuses espèces disparaissent chaque année à cause des activités humaines. 

Depuis vingt ans, j’habite à nouveau à la campagne. Les arbres et arbustes de notre jardin ont bien poussé et les oiseaux y trouvent refuge. Dès que j’ouvre les volets, je cherche mes amis des yeux et des oreilles. Parfois ils sont au rendez-vous, parfois non. Cela dépend de la météo, de la nourriture à leur disposition. Ils passent leur temps à survivre, à perpétuer l’espèce et ne chantent pas pour nous faire plaisir! Suivant les saisons, ce ne sont pas toujours les mêmes. 
En ce moment, en automne, les rouges-gorges se rapprochent des maisons, très jaloux de leur territoire. Les femelles lancent leurs trilles aiguës alors que les mâles chanteront au printemps. Les mésanges sont revenues de leur périple plus au nord. On entend leur ti-tui ti-tui. Les moineaux piaillent en bande dans les haies. Les étourneaux sifflent dans les cyprès et s’envolent en groupe, dessinant des arabesques dans le ciel. Les pies jacassent, se disputent et nous agacent. Les pigeons et tourterelles roucoulent sur le toit. Les pics-verts ricanent et tapent dans les troncs d’arbres. Les corneilles croassent dans les champs à la recherche des grains de maïs tombés après la moisson. Les buses lancent leur cri perçant. De temps en temps, venus de la rivière, un héron cendré se poste dans un pré, des aigrettes blanches et élégantes et des goélands chamailleurs grattent la terre fraîchement labourée. 

Quand l’hiver arrivera, nous laisserons de l’eau et des graines à la disposition de nos amis pour les aider à passer la mauvaise saison en attendant le printemps. Nous pourrons les admirer de l’intérieur de la maison sans les déranger. Puis, les beaux jours revenant, ils s’éloigneront pour vivre leur vie, d’autres oiseaux seront de retour du sud et s’arrêteront. Chaque jour apportera son lot de surprises, dès le lever du soleil la campagne résonnera de l’agitation particulière à la période des amours. Puis ce sera la naissance des petits et leur éducation, période épuisante pour les parents, obligés de trouver de la nourriture pour leur progéniture affamée. En été, ce sera plus calme, moins de chants, les petits partis du nid, enfin un peu de repos pour les adultes. Puis l’automne reviendra avec les migrations. J’espère que le cycle continuera ainsi longtemps… 


Balade aux Ramières 


Quand je suis arrivée au bord du lac, la douceur de l’air sur ma peau m’a surprise. Mais par moment, un petit souffle se faufilait entre les arbres et apportait un peu de fraîcheur. Les rayons du soleil automnal éclairaient les montagnes qui se découpaient sur le ciel bleu azur, traversé de nuages blancs effilochés et légers comme des voiles. 
Les feuillages avaient des teintes chaudes: jaune, orange, rouge, brun, les fruits des couleurs vives: le rouge des églantiers et aubépines, le rouge orangé des fusains d’Europe, le noir des troènes. L’herbe drue était très verte. Des reflets argentés zébraient la surface du lac et l’eau de la rivière était d’un bleu gris opaque. J’ai respiré l’odeur d’herbe et de feuillage mais n’ai pas reconnu le parfum lourd de l’humus propre aux automnes pluvieux. D’ailleurs, les champignons étaient rares. 
Sur la mousse moelleuse et verdoyante j’ai marché avec souplesse, écouté la musique froissée de mes pas sur les feuilles mortes et le grondement de la Drôme qui courait sur les galets. Les rouges gorges lançaient leur petit claquement métallique et gazouillaient dans les buissons, les canards nageaient à la queue leu leu sur le lac, les cormorans noirs et luisants plongeaient dans l’eau et ressortaient plus loin. Avant de rentrer, je me suis régalée de la douceur sucrée des cynorhodons et de la texture farineuse des baies de l’aubépine. J’étais sereine, le corps détendu et la tête vidée des soucis quotidiens, la nature m’avait transmis son énergie apaisante.

Marie

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