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jeudi 4 janvier 2024

Quid


Un jour, bien après le décès de ma mère, je décide d’ouvrir ce que nous appelons, mes frères et moi, la grande valise noire qu‘à leur demande, je conserve dans mon grenier. Nous y avons stocké les photos de famille. Il me semble qu’il est temps, que je vais pouvoir me plonger sans trop d’émotions dans la tonne de photos qu’elle renferme. Grâce au premier tri que nous avions fait, j’attaque directement la pile annotée «année 1950/1960» mais que nous aurions pu appeler «tout sur ma mère». 

Effectivement, la voici chemise à carreaux et pantalon moulant, triomphante sur un scooter flambant neuf, les cheveux au vent. En fuseau noir et blouson militaire à col de fourrure, probablement emprunté à mon père, chaussures de montagne et lunettes de soleil, tirant avec nonchalance mon frère et moi assis sur une luge, assortis dans la même combinaison à capuchon. En bikini, sur la plage, les cheveux relevés, posant debout, une jambe légèrement devant l’autre. 

Rochefort, l’Allemagne, l’Algérie, tout un programme. 

A chaque situation et chaque pays, sa tenue. A chaque photo, sa pause et sa petite mise en scène. Seule ou avec nous, rarement avec mon père qui de toute évidence prenait les photos. Ce qui me saute aux yeux aujourd’hui c’est ce soin qu’elle prenait à prendre la pose, le regard tendu vers l’objectif, tout sourire, le ventre rentré et le dos bien droit, à l’image de ces stars de cinéma dont, jeune, elle collectionnait les photos. Dans cette histoire, mon frère et moi jouions le rôle d’accessoires dans une mise en valeur de la mère idéalisée et merveilleuse. 

Une photo arrête mon attention, la voici au volant d’une 4CV à l’arrêt, la porte ouverte, dans une pose dont, une fois encore, elle seule a le secret. Jupe légèrement relevée sur les jambes, chaussures à talon, chemisier moulant et sourire racoleur. Je me dis, tiens mes parents avaient une 4CV ? Je découvre la deuxième photo, cette fois, elle est assise sur un plaid dans la même tenue, dégustant une boule de glace d’une façon extrêmement suggestive, la voiture est en arrière-plan, « déjeuner sur l’herbe en 4CV » ? Troisième photo : un homme tout sourire devant la 4CV. Il est grand, il est beau, il est blond. Ce qui est certain, c’est que cet homme n’est pas mon père. 

Evelyne

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